[NIGER] Les déchets urbains peuvent-ils limiter la dégradation des terres au Niger ? Un défi, unique en son genre, pensé par un chercheur japonais [2ème Partie]

#Réhabilitation des terres #Déchets urbains

 

La République du Niger appartient à la région du Sahel et environ 80% de ses terres sont recouvertes par le désert du Sahara. Près de Niamey, capitale du Niger, un chercheur japonais a dispersé plus de 2 000 tonnes de déchets urbains, notamment des déchets alimentaires, des papiers, des sacs en plastique, des tongs et autres divers déchets ménagers sur cette terre aride. Pourquoi ce chercheur a-t-il fait une telle chose ?
Dr. Shuichi OYAMA, professeur agrégé du Centre d’études africaines de l’Université de Kyoto, a eu l’idée de réduire la dégradation des terres en utilisant des déchets urbains, après de nombreuses années consacrées à la recherche au Niger. Le projet pilote visant à prouver l’effet des déchets urbains sur la restauration des terres dégradées a débuté en 2015.

Le contexte et la contribution de ce projet peuvent être retrouvés dans le premier article.

 

Comment le site du projet recouvert de déchets se transforme ?

 

Dispersion des déchets urbains : 252 tonnes sur un site clôturé de 50mX50m
(26 février 2012 à midi)
Croissance des plantes la première année (29 août 2012 à 15h)
Nous pouvons voir du mil, un aliment de base important dans la région du Sahel.
Croissance des plantes de la deuxième année (3 septembre 2013 à midi)
Les plantes légumineuses ont commencé à pousser dans la zone clôturée.
Croissance des plantes de la cinquième année (le 29 août 2017 à 15h)
Les arbres poussent régulièrement et nous procédons à l’émondage des branches.
L’objectif de l’utilisation du site est important pour créer la composition de forêts et de prairies.

Toutes les photos de cet article sont fournies par le Dr. Shuichi OYAMA.

 

DLe Dr Oyama a enregistré la progression du site du projet grâce à un appareil-photo prenant des photos à intervalles toutes les heures pendant la journée après avoir dispersé les déchets. La superficie du site clôturé était de 2500 m2 (50m x 50m) et 252 tonnes de déchets ont été dispersés en février 2012. Une fois la saison des pluies arrivée, le mil, le grain le plus populaire au Niger, a poussé sur le site. Les plantes légumineuses ont commencé à pousser la deuxième année, et les arbres ont poussé l’année suivante. En 2017, les arbres grandissent et les herbes ont arrêté de pousser sous l’ombre créée par ces grands arbres.

Etant donné que cette méthode utilise les déchets urbains, de nombreuses personnes s’inquiètent de la pollution éventuelle de l’environnement par des substances toxiques provenant des déchets. Cependant, d’après les recherches menées par le Dr Oyama, les déchets nouvellement générés ne contiennent aucune substance nocive. (Voir également le lien de la première partie).
D’autre part, il s’avère que les déchets urbains contiennent un niveau élevé de nutriments précieux tels que l’azote, le phosphore et le potassium, qui sont les trois éléments principaux dans la croissance des plantes. Le fer, le zinc, le cuivre, le calcium, le manganèse et d’autres minéraux étaient présents dans les déchets urbains et ces minéraux sont également essentiels pour la vie du bétail et des humains.

Grâce à ces nutriments, un environnement idéal pour les plantes est créé sur ces terres arides.

 

Comment les déchets urbains se décomposent-ils ? Le processus biologique des termites

Termites dans les terres arides

Les déchets urbains du Niger contiennent diverses matières organiques telles que la bouse de vache, les restes de nourriture pour le bétail, les tiges et les épis du mil qui sont jetés après le battage, la coque d’arachide, etc. Tout cela devient de la nourriture pour les termites. Selon l’étude des terres arides, le sous-sol est contrôlé par les termites tandis que les humains contrôlent le sol. Lorsque la saison des pluies arrive, les termites mâles et femelles s’envolent de leurs colonies et arrivent sur les déchets déversés. Ils creusent de nombreux tunnels sous la terre et construisent leur abri autour des matières organiques avec des grains de sable reliés par leur salive. Leur travail crée une structure de sol agrégée qui facilite la pénétration de l’eau et fournit un environnement approprié à la croissance des plantes. Les termites ne peuvent pas vivre dans des terres arides sans résidus de plantes et de nutriments, mais une fois que l’on place des matières organiques sur la terre, le processus biologique des termites fonctionne efficacement et les terres arides deviennent vertes.

Bien que l’idée puisse nous sembler novatrice, il s’agit en fait d’une méthode traditionnelle d’enrichissement des sols qui provient des agriculteurs Haoussas. Ces derniers mettent leurs déchets provenant des fermes sur les terres agricoles dégradées afin d’en améliorer la productivité. Ces déchets sont appelés « taki » en langue haoussa qui peut être traduit par « fumier » en anglais. La majeure partie du fumier est constituée de déchets organiques mais ce fumier contient également d’autres déchets qui ne se décomposent pas facilement, tels que des linges usés, de vieilles tongs et même des marmites.
Différents de ces déchets ruraux, les déchets urbains contiennent beaucoup de sacs en plastique. Une petite quantité de sacs en plastique peut aider l’activité des termites et donc avoir un effet positif pour l’écologisation. Cependant, lorsque la quantité de plastique est importante, ce plastique finit par avoir du mal à se décomposer.

 

Importance de l’élevage pour créer des terres vertes utiles

Bétail des éleveurs

Les sites du projet ont été protégés par des clôtures en fer afin d’empêcher l’intrusion du bétail. Cependant, étant donné que le bétail s’il est géré peut apporter un bénéfice, un berger est désigné comme responsable du site et cette personne est autorisée à mettre son propre bétail à l’intérieur du site clôturé. Cela peut contribuer à atténuer les conflits entre les agriculteurs et les éleveurs grâce au fait que les dommages sur les récoltes sont évités.

Une règle importante pour réussir l’écologisation est de « garder le bétail à l’intérieur du site clôturé pendant au moins deux semaines et de laisser le fumier retourner à la terre après que le bétail ait mangé le fourrage ». Les plantes poussent avec les nutriments provenant des déchets et le bétail se nourrit de ces plantes. Si le bétail mange simplement les plantes sans déféquer sur le site, les nutriments du sol s’échapperont des sites. En outre, le fumier du bétail contient non seulement des éléments nutritifs mais également divers types de graines de plantes utiles. Ces graines germent et créent un écosystème riche qui présente des avantages tant pour les humains que pour le bétail.

Lorsque l’éleveur n’a pas respecté cette promesse, les terres clôturées ont été recouvertes de l’herbe Sida cordifolia qui est considérée comme un indicateur de surpâturage.
En conclusion, la dispersion de déchets est un élément déclencheur important pour la création de terres vertes utiles. En ajoutant du fumier animal sur les sites, les arbres ont germé à partir des excréments du bétail et grandissent régulièrement pour fournir de bonnes ressources pour la vie des humains et du bétail.